réseau matière organique métrologie-mesure dégradation
Études
Eau potable
TSM 7/8 2010 - Page(s) 46-55

Caractérisation de biofilms par spectrométrie d’absorption infrarouge

Biofilms characterisation by infrared spectrometry

Résumé

Les exigences de la réglementation européenne concernant la distribution des eaux destinées à la consommation humaine ont conduit les distributeurs d’eau, comme les exploitants de circuits d’eaux à usage domestique ou industriel, à s’intéresser de plus en plus à la matière organique fixée sur les parois des matériaux placés au contact de l’eau. Cette matière organique est placée dans le langage courant sous le vocable « biofilm ».

Le biofilm est, la plupart du temps, considéré sous son aspect « organique ». Il est défini comme une « organisation structurée de micro-organismes, dans une matrice polysaccharidique et protéique, protectrice et nutritive, adhérant à une surface ».

Dans cette optique, le biofilm serait composé de cellules bactériennes et de leurs métabolites. Il aurait, en général, une structure très poreuse (plus de 80% d’eau) et comporterait également une part plus ou moins importante de particules inorganiques piégées dans des exopolymères. De plus, au sein d’un biofilm, des organismes plus évolués comme des algues, des protozoaires, cohabiteraient avec les bactéries…

Les matières inorganiques ne sont citées que pour mémoire. Cependant, quelques rares auteurs se sont tout de même intéressés aux relations minéraux/ bactéries. Ces contributions restent, malgré tout, peu nombreuses. C’est pourquoi nous proposons de montrer comment l’utilisation de la spectrométrie d’absorption infrarouge permet d’accéder, de manière relativement simple, aux différents composés organiques ou inorganiques présents dans les biofilms.

Technique aujourd’hui très classique et largement utilisée en routine par de nombreux laboratoires, elle a connu un regain d’intérêt avec l’apparition d’appareils utilisant la transformée de Fourier. Cependant, les applications se cantonnent souvent à la chimie organique, alors qu’elle est nettement sous-utilisée pour l’analyse des produits inorganiques.

L’obtention de spectres complets est beaucoup plus rapide, fournissant des informations sur l’hydratation des produits, les différentes matières organiques et les divers types de composés inorganiques présents. Bien sûr, la méthode a aussi des limites, mais elles ne sont généralement pas contraignantes pour l’étude de la fraction minérale des biofilms.

Cependant, le dépouillement des spectres obtenus peut se heurter à des difficultés lorsqu’il y a interférence entre les bandes d’absorption de plusieurs produits. C’est pourquoi on peut, après enregistrement du spectre, rebroyer la pastille, puis la calciner à une température appropriée. Cette calcination peut avoir pour objet la transformation d’une substance, peu visible en infrarouge (IR), en une autre qui absorbe avec plus de netteté (par exemple les sulfures, qui peuvent être transformés en sulfates), ou bien l’élimination des matières organiques par calcination à 550 °C en atmosphère oxydante. Après calcination, on reconstitue une pastille qui est analysée dans les mêmes conditions.

Les analyses effectuées avant et après calcination sur une centaine de biofilms ont prouvé, sans conteste, que tous les biofilms étudiés contenaient bien des produits minéraux en quantités quelquefois très importantes. Ces produits minéraux sont caractérisables (formule, cristallinité) et mesurables, soit directement par une absorbance caractéristique, soit en comparant les absorbances avant et après calcination. Il en résulte une présence quasi générale d’aluminosilicates, même dans les eaux de faible turbidité destinées à la consommation humaine. Par ailleurs, lors d’une étude sur la cinétique de formation de biofilm, on peut coupler ces analyses avec la caractérisation – par culture et/ou polymerase chain reaction (PCR) –, au cours du temps, des micro-organismes se développant dans le biofilm.

Abstract

The requirements of the European regulations concerning drinking water supply have led the water treatment companies and the network operators to be more and more interested in the organic matters fixed on the wall of materials in contact with water. These organic matters are commonly called “biofilms”.

For most researchers, biofilm is just considered under its “organic” aspect. They define biofilm as a “structured organism of micro-organisms in a matrix of polysaccharides and proteins which are protective and nutritive, adherent to a surface”.

In the simplest case, biofilm would be composed of bacteria cells and their metabolites. Such a biofilm would have generally a very porous structure (more than 80% of water) and would also contain a more or less important part of inorganic particles trapped in the exopolymers. Moreover, within the biofilm, more evolved organisms, such as algae and protozoans would cohabit with the bacteria.

Inorganic matters are just mentioned by the way, perhaps with the intention of giving an exhaustive enumeration and in order to underline well the complexity of the biofilm. Nevertheless, a few researchers are interested in the relations between minerals and bacteria in the biofilm. In spite of all, their contribution remains scarce. That is why we propose to show how the use of infrared absorption spectrometry allows to characterise, in a relatively simple way, the different inorganic compounds found in biofilms.

The infrared absorption spectrometry is now a very classical method, which is largely used by numerous laboratories. Although it is an old method, it has sparked renewed interest as the Fourier Transformed mode was used. Nevertheless, it is usually only implemented in the field of organic compounds, and not in the analysis of inorganic matters, even though some pioneers such J. Lecomte, had described in details, in the middle of the last century, the interest of the infrared absorption spectrometry for both organic and inorganic compounds.

Nowadays, it takes less time to obtain complete spectrums and, in the process, one gets information about the compounds hydration and the different types of organic and inorganic matters. Of course, the method also shows its limits, but these are not restrictive as far as the study of the mineral fraction of the films is concerned.

However, the interpretation of the obtained spectra can be difficult when there is interference among absorption picks of several compounds. This is why we usually regrind the pastille, after saving the spectrum, then calcine the pastille at a suitable temperature. This calcination can be aimed at transforming a substance, which shows poor absorbance in IR, into another one which gives a strong absorbance (e.g. sulphide can be transformed into sulphate). The recalcination can be also used to eliminate organic matters at 550 °C. After the recalcination, a new pastille is made and it is analysed in the same conditions. The obtained results after the calcinations have showed indisputably that the studied biofilms contained indeed mineral matters which are by far to be of a minority: on one of them, a proportion of 43% of mineral matters has been obtained after calcinations during 17 hours at 550 °C (the biofilm having been dried previously during 1 h at 60 °C). In addition, these mineral matters can be characterised and measured either directly by a characteristic absorbance or by comparison of absorbance before and after calcination. Moreover, during a study on the kinetics of biofilms formation, we can combine these analyses with the characterisation (by culture and/or PCR) of micro-organisms developed in the biofilms.

Mots clés : spectrométrie infrarouge, aluminosilicates, biofilms, composés inorganiques
Keywords : infrared spectrometry, aluminosilicates, biofilms, inorganic compounds
https://doi.org/10.1051/tsm/201007046

1,3,4,5 Arts et Métiers ParisTech – LIM-UMR CNRS 8006 – 151, boulevard de l’Hôpital – 75013 Paris
2 Université Paris Descartes – 4, avenue de l’Observatoire – 75006 Paris

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