L’incinération, un bénéfice net pour réduire l’effet de serre
RésuméDe nombreuses sources indiquent que l’incinération des déchets contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, les chiffres et même les éléments pris en compte diffèrent d’une étude à l’autre, ce qui souvent laisse le lecteur perplexe. L’article propose quelques repères en ce domaine et met en évidence les raisons des différences observées dans la littérature.
Les trois éléments essentiels lorsqu’on s’intéresse aux interactions entre incinération des déchets et émission de gaz à effet de serre sont les suivants.
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Selon les règles internationales, le CO2 provenant de carbone issu de biomasse n’est pas comptabilisé. Seul le carbone d’origine fossile, qui correspond à moins de la moitié du CO2 émis, est donc considéré comme participant à l’effet de serre.
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La valorisation de l’énergie des déchets se substitue à de l’énergie d’origine ‘fossile’qui reste séquestrée. L’effet de serre ainsi évité compense partiellement, totalement ou même excède le CO2 émis par l’incinération.
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L’incinération produit du CO2 à partir du carbone des déchets au lieu de méthane (CH4) dont le PRG (Potentiel de Réchauffement Global) est 7 à 8 fois plus élevé que celui du CO2. Selon les cas, ce peut être une autre source d’évitement importante d’émission de gaz à effet de serre. D’autres éléments interviennent dans la contribution positive ou négative à l’effet de serre par l’incinération mais ils sont généralement de deuxième ordre.
Les économies d’émission de gaz à effet de serre du fait de l’incinération diffèrent selon les situations et les hypothèses effectuées. Ainsi la part de carbone d’origine fossile variet- elle selon les déchets considérés. Pour ce qui est de l’énergie thermique substituée, on peut en général avoir localement une idée relativement précise des émissions de GES évitées car le combustible économisé est habituellement connu. L’incertitude est plus grande pour l’électricité compte tenu de la grande différence d’émission de GES entre les générateurs et du fait que presque toujours l’électricité transite par le réseau national avant usage. Les installations françaises sont très fortement pénalisées par rapport aux autres usines européennes si l’on considère que l’électricité produite se substitue principalement à de l’électricité d’origine nucléaire. Du fait de l’interconnexion des réseaux électriques européens, nous considérons que c’est le mix européen qui doit être pris en compte.
En termes de bilan global de l’incinération, la plupart du temps seuls les deux premiers aspects énumérés ci-dessus sont pris en compte. La contribution à l’effet de serre d’une tonne incinérée varie ainsi d’environ 380 kg de CO2 par tonne de déchets incinérés sans valorisation énergétique à environ 230 kgCO2 par tonne pour une installation produisant de l’électricité et environ 0 kgCO2 par tonne lorsque l’installation produit de l’électricité et vend convenablement de la chaleur. Dans les cas où la chaleur est très bien valorisée (gros réseau de chaleur ou industriel prenant toute la vapeur), on atteint une contribution négative à l’effet de serre pouvant aller jusqu’à – 250 kg de CO2 par tonne de déchets, c’est-à-dire que la combustion d’une tonne de déchets et la valorisation de son énergie évite (ailleurs) l’émission de 250 kg de CO2.
Mais si on se limite à cela, on prend de fait pour référence une situation où il n’y a pas de déchets. Ceci ne correspond pas à la réalité. En effet, si on ne brûle pas les déchets, ils existent et auraient produit autrement des gaz à effet de serre. On doit donc décompter les gaz évités, par exemple le méthane du biogaz. Vue sous cet angle, la valorisation énergétique des déchets est quasiment toujours émettrice négative de gaz à effet de serre. La quantité évitée dépend comme précédemment de la valorisation de l’énergie mais aussi du mode de traitement des déchets substitué. S’il s’agit d’un « dépotoir » comme autrefois chez nous ou comme on trouve encore couramment en certains endroits du globe, on peut éviter de 1,1 tonne à 1,75 tonne de CO2 par tonne de déchet traitée thermiquement.
La France et l’Europe ont pris des engagements d’utilisation d’ENR (Énergies renouvelables) en 2010 qu’elles ne pourront pas tenir. L’Europe s’est déjà fixé de nouveaux objectifs pour 2020 en termes d’ENR comme en termes de réduction de CO2.
La valorisation énergétique des déchets peut contribuer de manière significative à atteindre ces objectifs. Elle permettrait de plus que doubler l’énergie primaire économisée à partir de déchets et d’économiser 5 millions de tonnes de CO2 par an.
Il faudrait toutefois pour cela mener une politique véritablement volontariste d’encouragement à l’utilisation de l’énergie des déchets.
1 – CNIM, directeur des Relations institutionnelles, 35 rue de Bassano 75008, Paris France
2 Président du SNIDE 33 rue de Naples Paris France
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